LES VIOLENCES URBAINES
Pour moi, il s’agit d’une révolte d'humiliés.
Il faut être très clair : la version du ministre de l'Intérieur selon laquelle « 75 à 80 % des émeutiers sont des délinquants » est mensongère. Les premiers à le dire ont été les magistrats, devant lesquels comparaissaient les émeutiers. Ensuite, ce furent les R.G (Renseignements Généraux), c’est-à-dire un des services du ministère de l'Intérieur !
À cette version policière s’opposent les témoignages recueillis par des associations de jeunes, des avocats, des journalistes et des sociologues, et il est important de le faire savoir aux Angevins. Ainsi, au terme d'une recherche menée au tribunal du Bobigny, le sociologue Laurent Mucchielli affirme que, dans l'ensemble des mineurs émeutiers jugés, ceux qui étaient déjà connus de la Justice pour des faits de délinquance n’en représentent qu'un tiers.
Dans cette révolte spontanée, les humiliés des quartiers criaient leur colère contre les façons de faire de la police, contre l'école où ils ont échoué, contre l'absence de perspective d'insertion économique, et plus globalement contre le sentiment d'être les parias de notre société. Mais cette colère ne peut pas se traduire dans une action politique, car il n'existe pour cela aucune organisation spécifique, aucun syndicat, aucun parti. Une action politique ne peut pas naître de rien : il faut des relais, des soutiens, une organisation, une doctrine, des leaders, etc. Or les jeunes des quartiers, comme on dit, n'on rien de tout cela.
Pour ce qui est de l'action de la police, c'est la catastrophe ! En France, nous savons assurer le maintien de l'ordre, le renseignement et la police judiciaire, mais pas la police urbaine ordinaire, la “police de proximité”, qui est pourtant la seule capable de s'immiscer dans les relations sociales, de dialoguer, de prévenir et de ne réprimer qu’à bon escient. Beaucoup de policiers refusent même d'apprendre à le faire ! En disant cela, je ne mets pas en cause les fonctionnaires, mais la stratégie du ministre de l'Intérieur. La question des banlieues n'a jamais été une priorité pour lui, bien au contraire : son ministère n’a commencé à mesurer les violences urbaines qu’en 2005 ! Trop tard ! La police est étrangère aux quartiers. Elle n'a aucun contact avec la population. Bien sûr, elle interpelle des délinquants, mais elle est incapable d'empêcher l'émeute. Pourtant, des modèles existent à l'étranger, et aussi chez nous, avec la gendarmerie départementale. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?
Pour en revenir à l’origine des émeutes, rappelons que les jeunes émeutiers manifestaient leur colère contre la police, après la mort des deux jeunes de Clichy qui, ayant pris peur des policiers qui les pourchassaient sans raison, s’étaient réfugiés dans un transformateur. Mais, au-delà de cette cause conjoncturelle, d’une façon plus générale, il est évident que les jeunes des quartiers, inquiets pour leur avenir, ne supportent plus les pratiques policières, les contrôles systématiques, le délit de faciès. Il n’y a pas pour autant d’objectifs politiques : s’il est une chose que l'émeute n'était pas, c'est bien une révolution ! Il n'y avait rien de politique dans leurs cris de colère. Pas non plus de leader. Et pas davantage de message. Ils s'en sont pris à ce qui leur est tombé dans la main, mais ils n'ont visé aucune cible symbolique. C'était un mélange de rébellion contre la police et de délits de droit commun.
Rachid BELKALA
1 commentaire:
Ce qu'il y a de bien, dans ton analyse, Rachid, c'est que tu ne cherches pas à idéaliser ces jeunes, ni à leur prêter des idéaux ou des objectifs politiques. Et tu mets l'accent sur l'essentiel : l'humiliation. C'est cette humiiation qu'il faut faire disparaître - des fois que la gauche gagnerait les élections (mais c'est très mal barré).
Au moins, il y a de la matière, sur le blog de Gilles Mahé !
Une écolo non encartée
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